Pierre Bismuth, Michel Gondry
12/10/2005 > 17/12/2005

Vernissage le 08/10/2005, de 19h à 21h

The All Seeing Eye est la dernière collaboration en date entre PIERRE BISMUTH et MICHEL GONDRY, après le succès du long métrage Eternal Sunshine of the Spotless Mind, réalisé par GONDRY d'après une idée originale de BISMUTH.

Leur première collaboration remonte à 1993, quand la vidéo musicale du chanteur Jean-François Cohen La Tour de Pise, réalisée par MICHEL GONDRY, reprend le principe d'une œuvre de PIERRE BISMUTH intitulée La Pièce de Châteauroux. Depuis lors, en même temps que BISMUTH devient un plasticien reconnu sur la scène internationale et GONDRY l'un des créateurs de vidéos musicales les plus célébrés, imposant au sein de ce genre un véritable travail d'auteur, ils échangent régulièrement des idées.

En 1998, PIERRE BISMUTH parle à MICHEL GONDRY d'un concept narratif basé sur l'idée d'effacement volontaire et sélectif de la mémoire. Michel, qui est alors à la recherche d'un scénario, s'intéresse à cette idée et demande à Pierre d'écrire un synopsis. Celui-ci, développé avec le scénariste Charly KAUFMANN, aboutit six ans plus tard à la réalisation par MICHEL GONDRY du long métrage de cinéma Eternal Sunshine of the Spotless Mind, avec Jim CARREY et Kate WINSLET dans les rôles principaux. En février 2005, lors de la 77ème cérémonie des Academy Awards, BISMUTH, GONDRY et KAUFMAN remportent l'Oscar du meilleur scénario original pour ce film unanimement célébré par la critique et le public. PIERRE BISMUTH devient ainsi le premier artiste plasticien à se voir décerner cette récompense.

The All Seeing Eye ("l'œil qui voit tout") met à nouveau en œuvre, cette fois dans le champ des arts plastiques, les principes et éléments qui rapprochent ses deux auteurs, parmi lesquels un goût pour les jeux sur le langage et la perception, sur le savoir et le sens.

Cette œuvre vidéo reprend une technique utilisée à la fois chez BISMUTH dans la vidéo Link (1998) et chez GONDRY dans la vidéo musicale de Kylie MINOGUE Come Into My World (2002). L'image a été saisie par une caméra tournant sur son axe et filmant à 360 degrés. Contrairement à Link où chaque révolution effectuée par la caméra détermine un changement de décor et à Come Into My World où chaque tour redouble certains éléments de la réalité, le principe utilisé ici fait référence à Eternal Sunshine et à l'idée d'effacement de la mémoire.

Un appartement bourgeois voit son mobilier graduellement se multiplier puis disparaître sous nos yeux, à chaque tour de la caméra placée en son centre. Ce qui commence comme un simple mouvement rotatif devient rapidement une spirale, à mesure que les fauteuils Eames, les plantes vertes, les cheminées, les boîtes Brillo, les miroirs et la table de salle à manger au nombre d'assises exponentiel apparaissent, avant de disparaître aussi inexplicablement qu'ils sont apparus, jusqu'à ce que la pièce soit entièrement vide.

À la fin de ce processus d'escamotage, le spectateur est laissé seul, confronté à la vacuité d'un "œil" qui à la fois "voit tout" et pourtant n'a rien vu. Ironiquement, les prétemptions panoptiques de la caméra sont sapées par l'existence d'un angle mort essentiel : l'œil mécanique ne parvient pas à saisir les manipulations qui provoquent les changements de décor, illustrant l'attrait des deux artistes pour les effets spéciaux "low tech".

Le mode de présentation de la vidéo reprend le mouvement rotatif de la caméra et projette les images en tournant sur les quatre murs de l'espace d'exposition, délaissant ainsi l'écran de projection statique pour un travelling panoramique.

La présence d'un poste de télévision dans le salon, diffusant une scène d'Eternal Sunshine, intervient comme un fil rouge dans la vidéo, et souligne le lien autour du thème de la mémoire entre The All Seeing Eye et Eternal Sunshine. L'appartement devient ainsi une sorte de métaphore de l'esprit comme "camera obscura". Quant au principe de la caméra tournante enregistrant, ou plus exactement absorbant la réalité qu'elle observe, il renvoit inexorablement au mythe ancien de la photographie "dérobant l'âme des choses".


PIERRE BISMUTH est né en 1963 à Paris. Il vit et travaille à Bruxelles. Son travail a récemment et entre autres été montré dans des expositions personnelles au Kunstmuseum de Thun, à la Kunsthalle de Bâle, au Witte de With Museum à Rotterdam, au Sprengel Museum à Hanovre et dans des expositions de groupe au Stedelijk Museum à Amsterdam, au Casino Luxembourg, au MAMCO à Genève, à la 49ème Biennale de Venise.
Monographie à paraître en octobre 2005 (coll. Création Contemporaine, éd. Flammarion).

MICHEL GONDRY est né en 1963 à Versailles. Il vit et travaille à Paris et à New York. Il a réalisé de très nombreux spots publicitaires et vidéos musicales (notamment pour Beck, The White Stripes, The Chemical Brothers, Björk, Kylie Minogue, Massive Attack, The Rolling Stones, Daft Punk), qui lui ont valu de nombreux prix, ainsi que deux longs métrages.
Son prochain film, The Science of Sleep, est actuellement en post-production.